61 % des recrutements sont jugés “difficiles” en 2023 contre 57,9 % l’année dernière selon Pôle Emploi. Cela concerne toutes les entreprises, quelles que soient leur taille ou leur activité.
Dans certains secteurs, la pénurie de main-d’œuvre est bien réelle, et ne date pas de cette année. C’est le cas pour recruter dans la petite enfance. Le manque cruel de candidats, le décalage entre les offres d’emplois et les CV est un vrai casse-tête pour les professionnels du recrutement.
Le secteur de la petite enfance, en crise
Le secteur de la petite enfance, en particulier, est un nœud crucial pour 2 raisons.
1- Tout d’abord, c’est l’un des secteurs qui subit la plus forte hausse de « pénurisation ». Puisque, toujours selon Pôle Emploi, le taux de difficulté sur le recrutement est en forte progression depuis 2018 sur certains métiers. C’est le cas en première ligne des “infirmiers, cadres infirmiers et puéricultrices” (+ 41 points).
2- Ensuite, c’est un secteur pour lequel les conséquences de cette pénurie vont bien au-delà des difficultés quotidiennes des recruteurs et recruteuses. En effet, pas de candidats = postes non pourvus = moins de places disponibles pour faire garder ses enfants = moins d’individus sur le marché de l’emploi puisqu’ils doivent garder leurs enfants. CQFD.
Retrouvez nos 5 conseils pour attirer un profil pénurique dans notre article.
Pour traiter les 2 sujets en parallèle, nous avons fait appel à une experte qui combine à la fois le point de vue d’une recruteuse dans le secteur de la petite enfance ET la vision de la créatrice d’un concept innovant pour concilier garde d’enfant et activité professionnelle.
Marine Alari est la fondatrice de l’entreprise Le Kocon, 1er coworking-crèche à Bordeaux. Sans mode de garde et à son compte, elle a été obligée d’arrêter de travailler et de renoncer à sa carrière professionnelle pour s’occuper de son fils, son mari étant absent 3 à 4 jours par semaine. Elle a ensuite rencontré une cinquantaine de femmes éprouvant les mêmes difficultés que les siennes : concilier travail et vie de famille. En France ce sont près de 70% des jeunes parents qui sont concernés.
Bonjour Marine, en tant que gestionnaire de crèche, quel est votre constat aujourd'hui sur le recrutement ? Y a-t-il une pénurie dans le secteur de la petite enfance et pourquoi ?
Je pense qu’il y a un changement qui est en train de s’opérer et ce n’est pas uniquement lié au secteur de la petite enfance. Les gens ont envie, notamment depuis le COVID, d’avoir un réel équilibre entre leur vie professionnelle et leur vie de famille. Ils ont davantage envie de penser à leur bien-être.
Pour autant, la pénurie est réelle. En France, en 2022, il manquait 9.000 auxiliaires (étude Cnaf) soit 8 % de l’effectif. Et comme le secteur de la petite enfance n’est pas attractif ni valorisé et que beaucoup de problèmes sont remontés (l’actualité avec le bébé mort à Lyon, les pratiques de certains réseaux de crèches privées), forcément, le manque de personnel se creuse.
Quelles sont les pistes de solution au niveau sectoriel pour mieux recruter dans la petite enfance ? Et vous, que mettez-vous en place dans votre structure ?
Deux pistes me viennent en tête : la revalorisation par les salaires (mais pas que) et mettre en place des actions pour redonner davantage d’attractivité aux métiers du secteur. Cependant, ce sont des pistes sur le long terme et les humains prennent souvent des décisions à court terme.
Au sein du Kocon, j’ai mis en place plusieurs actions dont les principales sont : une grille de salaires et une communication sur les chiffres pour davantage de transparence, un taux d’encadrement supérieur au taux d’encadrement légal avec une professionnelle pour 2 à 3 enfants et un renforcement pendant les temps forts, des temps d’échange hebdomadaires et cinq jours volants en plus des cinq semaines de congés payés pour les contrats à temps plein (35 heures par semaine).
Difficultés de recrutement dans les crèches : impact à l’échelle sociétale
En quoi ces difficultés pour recruter dans les crèches ont-elles un impact avec rebond sur l’ensemble des autres secteurs ?
Les parents, pour travailler, ont besoin de faire garder leur enfant, pour être disponibles. Et j’irai même au-delà, pour pouvoir être disponible mentalement, avoir l’esprit libre pour être performant dans leur métier, les parents ont besoin que leur enfant soit accueilli dans un cadre sécurisé et bienveillant et dans des conditions rassurantes.
La pénurie de main d’œuvre dans le secteur de la petite enfance impacte donc toute l’économie et toute la société dans son ensemble puisque des parents qui ne peuvent pas faire garder leur enfant par manque de places, ne peuvent mécaniquement pas travailler puisqu’ils s’occupent de leurs enfants. Et les parents qui font garder leur enfant dans des structures où les conditions ne sont pas réunies ne sont pas sereins et ne peuvent donc pas être à leur plein potentiel au travail.
En quoi Le Kocon est-il donc une solution globale que vous proposez à l’échelle sociétale ?
Plus qu’un simple mode de garde, nous proposons un mode d’accueil qui permet aux familles de s’épanouir individuellement et ensemble.
Le bien-être individuel a un fort impact sur le bien-être collectif. Notre solution servicielle permet de réduire la charge mentale des parents et de favoriser une logistique plus sereine et plus fluide. Si le parent se sent bien, l’enfant le ressent car ce sont de vraies éponges à cet âge-là. Que ce soit le parent ou l’enfant (quand il est en âge de comprendre), le fait de savoir qu’ils sont à proximité l’un de l’autre apporte un apaisement et une sécurité.
Nous sommes très focalisés sur l’enfant et son bien-être.
Que proposez-vous, concrètement ?
J’ai créé un lieu qui allie espace de coworking et crèche. Ainsi, depuis 2 ans, nous avons la chance de proposer à nos familles, un cadre de vie et une qualité de vie incontestable dans un lieu atypique de Bordeaux au sein de la Villa Maria. Il s’agit d’une ancienne bâtisse qui date du XXe siècle transformée en espace de travail partagé. Sur les 1000 m2, on trouve différents postes de travail, des salles de réunion, une piscine, un boulodrome et un jardin.
La crèche est installée dans l’ancienne maison du gardien. Le fonctionnement est simple : les parents qui nous confient leur enfant, travaillent dans l’espace de coworking, à une minute à pied. Chacun peut se concentrer sur son métier : les parents se concentrent sur leur activité professionnelle pendant que les auxiliaires et autres professionnelles de la petite enfance s’occupent de leurs enfants !
La structure peut accueillir jusqu’à 12 enfants de 15 mois à 4 ans, et fait aussi du périscolaire. L’équipe encadrante est composée d’une infirmière puéricultrice, une assistante sociale et trois accompagnantes éducatives petite enfance qui sont aussi aides-soignantes.
Notre mission est d’accompagner les enfants vers l’autonomie, l’accueil de leurs émotions et tout est pensé et fait à leur taille. Côté coworking, nous organisons des évènements et ateliers hebdomadaires afin de favoriser la création de lien social entre les parents et les coworkers de manière générale.
"la revalorisation par les salaires (mais pas que) et mettre en place des actions pour redonner davantage d’attractivité aux métiers du secteur"
Marine Alari, fondatrice de l’entreprise Le Kocon, 1er coworking-crèche à Bordeaux
5 conseils pour recruter dans le secteur de la petite enfance
Si vous aussi, vous recrutez en crèche ou dans le secteur de la petite enfance, voici 5 bonnes pratiques intéressantes à retenir (au-delà de la revalorisation salariale) :
#1 Bonnes conditions de travail
Pour attirer, même quand on ne peut pas augmenter les salaires, il est possible de proposer plusieurs améliorations des conditions : moins d’enfants sous sa responsabilité, une 6e semaine de congés payés…
#2 Choisir les bons canaux pour recruter
Être visible auprès des bonnes personnes, dans des secteurs où les candidats ne se trouvent pas forcément sur LinkedIn, oblige à explorer d’autres canaux : les sites spécialisés dans la petite enfance, les réseaux sociaux, les partenaires locaux (écoles, associations, etc.) sont des canaux pertinents pour trouver des professionnels qualifiés.
#3 Sortir des sentiers battus
Repenser les modèles établis sur les structures, leur localisation, les profils et complémentarité des compétences et diplômes des professionnels permet aussi plus de marge de manœuvre sur les recrutements. Pour cela, il faut bien repenser son offre de service mais aussi ses offres d’emploi.
#4 Porter un projet pédagogique structuré
Un vrai projet pédagogique fort et des temps d’échanges pour collaborer, partager et ajuster ce projet au fil de l’eau permet aux équipes d’y voir plus clair et de donner du sens à leurs actions quotidiennes. C’est une attente forte de la part des candidats, notamment les plus jeunes.
#5 Investir sur la formation
Proposer aux équipes de sortir de leur routine professionnelle, leur permettre d’évoluer, d’apprendre et de monter en compétences grâce à la formation est un atout pour se différencier, en particulier auprès d’un jeune profil.
Pour davantage de conseils, consultez notre livre blanc :
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